Le TGV, tel un symbole d’une époque révolue ? Pour nourrir cette pensée liminaire, le remarquable ouvrage cosigne´ par Valérie Schafer et Benjamin Thierry sur le Minitel 1, nous offre une comparaison opportune. Ce livre édité´ en 2012 prend place l’année même du trentième anniversaire de la petite boîte avant-gardiste de la technologie française et de sa disparition définitive, puisque rendue obsolète par la démocratisation de l’ordinateur connecté, puis des terminaux de communication individuelle connectés. Trente ans d’existence et d’évolution à travers un objet d’histoire ne´, ayant vécu et disparaissant en a` peine plus d’une génération.
Le cas du TGV postal est de cet acabit et offre l’occasion pour les historiens de mesurer, à travers un objet de la mobilité´, les changements de paradigmes connus par l’institution. En effet, La Poste est une administration civile puissante lorsqu’elle voit naitre le projet et adopte ce nouveau type de train : elle se trouve désormais être une société´ anonyme à capitaux publics lorsqu’elle s’en sépare. Le TGV postal prend l’allure d’un curseur race´ parcourant une période bouleversée en moins d’un demi-siècle.
Ce temps des échanges matériels requérant la très grande vitesse terrestre semble, sinon en voie d’extinction, du moins afflige´ d’un déficit de compétitivité. La puissante machinerie de l’acheminement postal apparait à l’étiage, dans la droite ligne de la vente par La Poste de sa filiale aérienne Europe Air. Ce mode de transport ferroviaire a pris sa place dans la configuration évolutive d’un parc unique au monde, hyper diversifie´ et réellement multimodal, ayant combiné air, rail et route. Tous ces temps sont revisités à l’aune du XXIe siècle dans un contexte de moindre insouciance financière. La Poste dépensait d’importantes sommes en fonctionnement dans une ingénierie de transport lourde, au service d’une activité du courrier qui ne le nécessite désormais plus. De façon plus anecdotique, ce temps actuel du pied de nez a` l’histoire met en écho deux périodes de pénurie et les solutions pour les pallier. La première ramène aux lendemains des chocs pétroliers de 1973 et 1979, où la France n’avait certes « pas de pétrole, mais des idées ». La seconde témoigne du creux de la vague de la plus grande crise économique mondiale connue depuis 1945. L’Etat n’a plus d’argent, les grandes entreprises publiques sont aussi démunies ; on n’a plus les moyens d’entretenir les fleurons du patrimoine ou de la technologie nationale. Réseau Ferré de France ne possède plus les marges pour rénover le rail francilien parce qu’on a investi trop d’argent public dans la création de nouvelles lignes nationales TGV, transformé en mirage de développement rêvé par des édiles locaux peu avares des biens de la collectivité. A l’heure du transport low cost déclinable partout, le TGV voit plusieurs de ses lignes s’avérer déficitaires, ses prix passagers augmenter, ses trains se vider en partie, offrant moins de bénéfices. Décidément, le TGV serait-il désormais assis entre deux rails, pris entre sur et sous-dimensionnement de son coût d’exploitation et de sa vitesse ? Au point de faire moins uniformément rêver les voyageurs, et de ne plus être en adéquation avec le service postal.
Au final, le TGV aura représenté un quart de la longue histoire postale sur rail, en occupant la voie durant 30 des 140 années de lien que la Poste a nourri avec le chemin de fer et ses opérateurs, les compagnies privées puis la SNCF. 2015 marque le début d’une nouvelle période, dont on ne peut prédire ni la durée ni les inflexions : celle d’un fret combiné, plus large et varié, dans le flux duquel la lettre occupera une portion de plus en plus congrue.
