La Poste a été caractérisée au cours de la seconde moitié du XXe siècle par une singularité de statut : d’administration, elle a mué vers une logique d’entreprise. Or l’objet de cette étude est précisément de s’interroger sur l’évolution de la présence postale dans un territoire mouvant, à une période où objectifs et méthodes se verront profondément redéfinir en amont. En effet, alors que les services postaux et leur « vitrine », les bureaux de poste, souffraient d’une réputation de désuétude, il a paru intéressant de voir dans quelle mesure les considérations sur l’aménagement des banlieues ont pu entraîner la Poste dans l’évolution de ses bureaux. « Loin de n’être qu’un simple accessoire du logement au même titre que le bistro-club ou le supermarché »1, le bureau de poste a constitué un élément majeur du territoire.
L’exploitation des archives nationales, des archives départementales de la Seine Saint-Denis, des archives communales notamment de celles de Saint-Denis, ainsi que des correspondances officielles émanant de l’Administration des Postes, des autorités préfectorales ou municipales, ainsi que des procès-verbaux de conseils municipaux, des rapports d’études, sondages et audits, ont pu mettre en lumière le rôle et l’importance des bureaux de poste dans l’aménagement des territoires périphériques fortement urbanisés, pendant la période allant des années 1960 à celle qui voit les bureaux de poste devenir la charge, non plus d’une Administration mais d’un établissement public, en 1991.
Au travers de l’exemple de la Seine-Saint-Denis département qui voit le jour alors même qu’émergent dans les années 1960 les premiers « grands ensembles », on suivra l’action de la Poste et ses expériences novatrices en termes d’implantation de bureaux ainsi que les interactions avec les différents acteurs de l’aménagement. En filigrane, la recherche se trouvant guidée par les politiques d’aménagement et de mise en place des équipements collectifs, elle s’est en définitive centrée sur les quartiers où se cristallisent les difficultés.
Au début des années 1980, une nouvelle logique apparaît, conduisant service public et politique commerciale à s’articuler plus étroitement. C’est le temps de la modernisation du réseau pour permettre l’évolution des services proposés, afin d’une part, de tenir compte des nouvelles technologies mais aussi de la concurrence des banques sur le marché des services financiers.
En parallèle, dès 1983, un programme de développement social des quartiers est instauré, prenant notamment tout son sens en Seine-Saint-Denis, et La Poste met en œuvre une série de mesures originales pour s’insérer dans le partenariat nouveau mis en place par la politique de la ville.
Même tiraillés par des objectifs commerciaux, au cœur des quartiers dits difficiles, les bureaux de poste se trouvent, à la fin du XXe siècle, plus encore qu’auparavant, au cœur des enjeux sociaux.