Au croisement de l’histoire administrative, de l’histoire politique et de l’histoire humaine, l’objet de la présente étude est inédit, tant pour les matériaux qu’elle exploite que pour la problématique qu’elle poursuit. Institutionnalisées le 19 juin 1464, les Postes sont intrinsèquement liées au royaume de France. Omniprésentes, indispensables, elles couvrent la France de leurs relais, et alors qu’éclatent les évènements de la Révolution, ces relais constituent pour les politiques autant de cellules pédagogiques indispensables pour imprégner le pays du vent de la Liberté. Au cours de leur Histoire, la période révolutionnaire, pourtant très peu mise en valeur dans l’historiographie des Postes, leur occasionne pourtant une certaine renaissance.
Cette administration de grande ampleur n’a jamais été étudiée sous l’angle humain et politique. Il s’agit ici de saisir comment l’Histoire des Postes, seul lien entre la capitale et le reste du royaume, peut renouveler l’Histoire politique, au-delà du simple rôle de messager auquel elles sont vouées. Une telle entreprise nécessite des bornes chronologiques nettes et un vecteur d’informations : Louis Augustin Bosc d’Antic (1759-1828). Arrivé à Paris en 1778, il gravit peu à peu les échelons au sein du service des Postes et Chevaux, jusqu’à devenir studieux administrateur du Directoire des Postes, le 11 mai 1792. Dans une société où les lettres constituent un réflexe de vie, infatigable épistolaire, Louis Bosc se constitue une véritable « sociabilité de papier ». Pleinement habité par son rôle idéologique, Louis Bosc incarne à lui seul la relation étroite entre Politique et Postes, spécialement aux heures révolutionnaires. Bien assis à la tête du meilleur réseau d’informations et de communications de France, il veut influer, grâce à sa position, sur les dynamiques politiques de son temps, en conscience, portant les Postes à devenir un vecteur de propagande. Le rôle politique des Postes, par extension auprès de la Gironde, courant d’idées au sein duquel Bosc compte de nombreux amis, est suffisamment efficace pour mériter d’être relevé, et suffisamment discret pour que les Postes ne soient pas renversées de manière scandaleuse en même temps que le parti qu’elles soutiennent à travers Bosc. Ce rôle politique est amplifié par la relation de fidélité absolue entre le mythique couple girondin de Jean Marie et Manon Roland et Louis Bosc.
Dans une première partie, ce mémoire se concentre sur les Postes, leur organisation au cœur de la Révolution. En effet, l’ensemble de cette administration constitue une mécanique savante et bien combinée dont les rouages essentiels sont à Paris. La seconde partie entend relever la façon dont Louis Bosc a pu évoluer au sein de l’administration postale, alors que la radicalisation de la Révolution s’accompagne d’une culture de l’honneur et d’un développement de la calomnie. L’hôtel des Postes de Paris entretient alors une correspondance suivie avec les points de liaison en province, et garde connaissance de tous ses employés. Enfin la dernière partie entend souligner l’influence des Postes dans les dynamiques politiques parisiennes des années 1792 et 1793, notamment à travers l’étude des différents moyens de propagande de la Gironde, comme le Bureau d’Esprit Public, entreprise pédagogique reposant sur un vaste réseau de correspondances qui couvre tout le territoire. L’implication politique des Postes est mise à l’épreuve à l’occasion de la proscription des Girondins du 31 mai au 2 juin 1793, jours durant lesquels les Postes font l’objet d’une surveillance particulière.