Comité pour l'histoire de la Poste

Le travail féminin dans les Postes, Télégraphes et Téléphones en Alsace, de 1918 à 1939

Autrice

BOOS Audrey

Diplôme

Maîtrise

Thématique de recherche

Pagination

176 pages

Direction de recherche

Denis CLAUZEL

Université

Université de Strasbourg

Année de publication

Résumé

La Première Guerre mondiale clôt une époque de tourmente et d’atrocité, les traités de paix consacrent le retour de l’Alsace-Moselle à la France. L’euphorie des premiers temps s’évanouit rapidement pour faire place aux réalités, notamment la question de l’assimilation. Les changements qui sont alors institués touchent directement les services publics, les PTT, devant rapidement passer à la réglementation française. Nombreuses sont les femmes employées des PTT qui assument seules la charge des bureaux auxquels elles sont attachées. Il s’agit ici d’étudier la place réservée aux femmes dans le service postal.


En revenant s’établir sur le sol alsacien-mosellan d’où elle était absente depuis près d’un demi siècle, l’administration française doit avant tout résoudre des problèmes de personnel. Le personnel allemand est rapatrié d’office en Allemagne et doit donc être remplacé par du personnel français, surtout des Français de souche alsacienne-lorraine. D’abord privés de statut, ces nouveaux employés deviennent par un arrêté du 17 octobre 1919 des aspirants surnuméraires et des aspirantes dames employées, emplois inconnus sous cette forme dans les départements du reste de la France. Après les premiers tâtonnements, le recrutement du personnel des PTT tend à se légaliser en se calquant sur les règles en vigueur dans les départements de l’intérieur. La situation est loin d’être simple pour les postulants de souche alsacienne-lorraine, le recrutement à la Reichspost étant totalement différent. L’arrêté du 17 arrêté du 17 octobre 1919 fixe les conditions de recrutement de ces aspirantes : ceux-ci doivent être âgés de 16 ans révolus et être soumis à un examen individuel. Ces examens n’entraînent pas l’effet escompté, si bien qu’un nombre important de ces aspirantes n’est pas reconnu admissible, mais maintenu en fonction. Dès le 23 juin 1919, un arrêté annonce l’ouverture d’un concours de dame dactylographe à Strasbourg : le personnel ainsi recruté entre dans le cadre légal, mais ce concours est uniquement ouvert aux candidates munies de la carte A ou B. il en va de même pour l’emploi de dame employée dont le recrutement (à des conditions particulières) est assuré par l’arrêté du 19 août 1919. malgré cette volonté d’uniformisation dans les recrutements, quelques divergences persistent, notamment l’adoption du bilinguisme dans les concours alsacien-lorrains.


Le passage du régime allemand au régime français est donc loin d’être simple, le personnel alsacien-lorrain, antérieurement embauché à la Reichspost se trouve sans statut les premiers mois : c’est pourquoi la loi du 17 octobre 1919 adopte le régime transitoire. En attendant l’assimilation, le personnel du cadre local touche les mêmes émoluments que ceux perçus sous le Second Reich, mais convertis en francs. Pourtant, les difficultés ne tardent pas à surgir. En effet, ce sont les autorités françaises qui se chargent, à travers les commissions de triage, de désigner les citoyens indésirables. Seuls les titulaires des cartes d’identité A (réservées aux habitants qui auraient été français sans le traité de Francfort) et B (attribuées aux habitants dont un membre de la famille est d’origine étrangère) sont maintenus en fonction dans l’administration française. Ce système est inadapté à la situation sur le terrain, si bien que de nombreuses erreurs sont commises : sur simples dénonciations, sans enquête approfondie, des employés munis des cartes A ou B sont renvoyés. Cette atmosphère de suspicion et la rigidité d’un système trop bureaucratique encourage les délations. D’autres problèmes voient le jour, concernant les traitements.


En France, l’accès à tous les emplois est garanti à tous les agents reçus au concours de surnuméraire. Outre quelques hauts fonctionnaires, le personnel se divise en trois catégories : les agents (commis, receveurs et dames employées), les sous-agents (facteurs, courriers ambulants et autres chargeurs), les ouvriers commissionnés recrutés pour l’entretien des lignes ou pour le travail en atelier. A ce personnel, il faut ajouter de nombreux auxiliaires, aides et autres agents et ouvriers non commissionnés.


Pourtant l’accès à l’emploi de dame employée n’est pas conditionné par le concours de surnuméraire, mais par un autre spécifique aux dames, le surnumérariat étant réservé aux hommes : l’article 3 de l’arrêté du 22 septembre 1919 fixe les conditions d’admission au surnumérariat des PTT en précisant que le service militaire prédispose l’acceptation à ce stage. Même condition de recrutement pour l’emploi de dessinateur, de contrôleur, d’ingénieur : les femmes sont donc discrètement et implicitement écartées de tous ces emplois. Finalement, seuls les emplois subalternes sont accessibles à ces dernières : c’est le cas de l’emploi d’aide (circulaire du 17 octobre 1918) qualifié d’auxiliaire permanent féminin (ce sont comme leur nom l’indique des aides rattachées à des recettes simples). Nommées aides, ces employées peuvent postuler à l’emploi de dame employée par le biais d’un examen spécial. La loi du 30 janvier 1923 va pourtant fortement restreindre les possibilités d’entrée dans l’administration des PTT par le biais des emploi d’aide, puisque désormais les trois-quarts des vacances d’emplois d’aides sont réservées aux veuves et orphelines de guerre.


Une fois dames employées, ces femmes peuvent postuler au grade de surveillante, petit chef sorti du rang, selon l’administration, appliquant les directives sans aucun droit de regard, parfois au détriment du personnel. Le grande de surveillante atteint, ces employés avaient la possibilité de postuler au rang de surveillante principale. Ces grandes n’existant pas à la Reichspost, l’administration française se trouve dans l’obligation de les créer en Alsace-Moselle. Vu les conditions d’avancement en vigueur en France, il faut au moins 12 ans à une dame employée pour être nommée surveillante, mais du fait de l’inexistence de ce cadre dans les départements recouvrés, de nombreuses dames n’ayant pas cette ancienneté sont nommées surveillantes voire surveillantes principales. Le retour du régime français est donc une réelle aubaine pour les femmes concernées par ces mesures.
Sortant des attributions courantes des dames employées, l’emploi de receveur, qui consiste à diriger un bureau, est accessible aux dames, mais seuls les bureaux les moins importants (hormis les bureaux-frontières) sont accessibles aux femmes. Précisons que ces dernières ne peuvent accéder à ces emplois qu’en tant que dames employées et surveillantes, les hommes pouvant postuler à partir d’emplois très divers (rédacteur, commis principaux et ordinaires, contrôleurs).
Enfin, il faut attendre l’arrêté du 5 septembre 1919 pour que les femmes puissent accéder à l’emploi de rédacteur. Mais parallèlement à cet arrêté, l’administration annonce une réorganisation concernant le cadre des rédacteurs : jugés en surnombre dans les services extérieurs, nombreux sont les rédacteurs en place qui sont nommés à l’administration centrale, si bien que le recrutement de nouveaux rédacteurs s’en trouve fortement limité. Les femmes devront encore patienter plusieurs mois avant de pouvoir profiter de cette mesure, qui de plus ne prévoit pas, dans un premier temps, pour les femmes, l’ouverture de cours préparant au concours de rédacteur.
Malgré cela, de nombreux avantages sont concédés aux veuves et aux orphelines de guerre, en ce qui concerne les emplois de dames. Ces dernières se voient réservées un accès exclusif à certains concours, et la limite d’âge est élevée pour celles-ci. L’administration des PTT se conduit donc en administration paternaliste protégeant les plus faibles. Pourtant certaines difficultés persistent notamment dans le problème de la langue : les candidats n’ayant pas rédigé entièrement les épreuves des concours en français restent cantonnés en Alsace-Moselle…

Ce n’est qu’en 1929 que les candidatures féminines sont acceptées pour l’emploi de surnuméraire (arrêté du 25 janvier 1929), mais le recrutement reste inégal, le nombre de places réservé aux hommes est régulièrement plus élevé : lors du concours du mois de janvier 1929, le nombre de places réservé aux femmes est quatre fois moins élevé que pour les hommes. Malgré ces limites, cette mesure instaure le concours unique pour le recrutement extérieur ; ceci incarne l’égalité pour l’avenir. Dans la même optique, l’arrêté du 13 juin 1929 introduit la possibilité pour les dames employées de passer dans le cadre de commis, mais elle est limitée à 1 900 emplois. Les dames employées intéressées devront pourtant patienter jusqu’en 1934. autre nouveauté, l’arrêté du 1er décembre 1931 portant ouverture d’un concours pour le recrutement de commis d’ordre et de comptabilité innove, même si ce n’est que très timidement encore : un tiers des places est réservé aux expéditionnaires, mais si le nombre de ceux-ci reconnu admissibles était inférieur au nombre de places leur revenant, les emplois étaient attribués aux dames.


Pourtant, certains de ces arrêtés promouvant un recrutement uniforme pour les hommes et les femmes ne sont plus que chimères. C’est le cas de l’arrêté du 1er septembre 1930, fixant les conditions de recrutement des commis chargés des fonctions de sténo-dactylographes qui réserve ces emplois aux dames sténo-dactylographes, tout comme l’arrêté du 11 août 1933 concernant l’emploi de commis de la branche des services administratifs. Concrètement ce qui changent pour les dames n’est ni leur fonction, ni leurs attributions, mais simplement l’appellation de leur emploi.


L’accession aux emplois de surnuméraire et de commis ne constituent pas des mesures isolées : après 1929, nombreux sont les arrêtés qui simplifient l’accès à certains emplois soit déjà ouverts aux femmes, soit permettant l’accès à de nouvelles et très diverses fonctions. Ainsi, l’arrêté du 21 mars 1932 instaure l’égalité de recrutement entre hommes et femmes pour les emplois de rédacteurs, mais il faut attendre l’arrêté du 4 février 1935 pour que les limitations concernant le nombre des places réservées aux femmes soient levées. De même, une note datée du 8 octobre 1931 crée les emplois de contrôleurs féminins, avec les mêmes attributions que les contrôleurs masculins. Les recettes de la 6e à la 2e classe sont progressivement ouvertes aux femmes avec certaines restrictions (concernant notamment les bureaux-frontières) entre 1929 et 1939.
Malgré ces avancées, les arrêtés du 15 juillet 1930 constituèrent un recul indéniable. En effet, ces arrêtés créent les emplois de dames spécialisées (au téléphone, télégraphe, etc) en interdisant toute possibilité future d’avancement. Un cloisonnement nouveau est donc mis en place pour les femmes qui entrent dans l’administration postale.

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