Comité pour l'histoire de la Poste

La vie à l’hôtel des Postes de Paris de 1801 à 1830

Auteur

TRETSCH Christophe

Diplôme

Maîtrise

Thématique de recherche

Pagination

Direction de recherche

Jean TULARD

Université

Université Paris IV Sorbonne

Année de publication

Résumé

La vie était un terme qui pouvait recouvrir bien des réalités concernant la Poste et ses agents du XIXe siècle : il permettait en particulier d’explorer des domaines peu abordés jusqu’alors, comme les conditions de vie des agents de la Poste, ainsi que les mentalités, « les représentations » comme les appellent les historiens. Car centrer mon sujet sur la période 1801-1830, des dates choisies arbitrairement par commodité pour les événements qu’elles marquent, c’était en effet remonter aux sources, aux origines de l’administration moderne : « la vie » pouvait alors être comprise comme le mouvement lui donnant naissance, comme l’accélération de son évolution vers la modernité. Les véritables limites du sujet étaient en réalité « l’Hôtel des Postes » : l’ancien, celui dont beaucoup d’agents de la Poste d’aujourd’hui ont oublié jusqu’à l’existence, car démoli entièrement il y a 120 ans déjà : c’est l’Hôtel d’Armenonville, celui de la rue Jean-Jacques Rousseau.


Il importait donc en premier lieu de le situer dans le temps et dans Paris, puis de le décrire. Dans le temps, car son histoire est complexe : c’était un assemblage d’immeubles, de vieux hôtels possédant leurs propres cours et leurs fontaines. Chacun de ces hôtels nobiliaires possédait une longue histoire. Il aurait été dommage de ne pas connaître que l’Hôtel d’Armenonville, acheté en 1757 par Laurent Destouches pour le compte de Louis XV pour y installer l’administration des Postes, fut d’abord l’hôtel d’Epernon jusqu’en 1660, puis l’hôtel d’Hervart jusqu’en 1705. Destouches était l’architecte du roi, maître général, contrôleur et inspecteur des bâtiments de Paris. L’histoire de l’îlot que l’Hôtel des Postes a conquis, entre les rues Coq-Héron, Verdelet, Coquillière et Plâtrière, devait se révéler très longue pour la Poste, jusqu’à sa démolition finale en 1880 et la construction d’un nouvel Hôtel des Postes par Julien Guadet à peu près sur son emplacement, site parvenu jusqu’à nous : c’est la recette principale de Paris-Louvre. Entre 1757 et 1880, l’Hôtel des Postes a subi beaucoup de transformations, et tout particulièrement entre 1801 et 1830 : achat de maisons voisines en 1815, démolies et raccordées aux anciens bâtiments dans lesquels les bureaux furent presque totalement remodelés ; restaurations de grandes envergures des années suivant 1826. Ces travaux furent en effet préférés à un déménagement radical de l’Hôtel dans un endroit différent, comme Napoléon le projeta à partir de 1811.


Pourquoi ces travaux coûteux et envahissants eurent-ils lieu dans un bâtiment où l’exploitation postale ne devait à aucun moment être interrompue ou même ralentie ?Pourquoi ces projets de transferts, même avortés, puis pourquoi la démolition finale et le remodelage complet du quartier Saint-Eustache ? La réponse peut se trouver chez des auteurs de l’époque, comme Maxime Du Camp qui écrit en 1867 ; et tous les rapports de l’architecte des Postes, toutes les sources évoquant l’Hôtel sont unanimes et sans appel, apportant du crédit à la description virulente de Du Camp : l’Hôtel des Postes était insalubre, sombre au point de « travailler à la lumière des lampes même en plein jour » ; l’air n’y circulait pas librement. Et surtout, l’administration en pleine croissance avait chaque jour encore davantage à en supporter l’exiguïté au point qu’il devenait impossible de diviser davantage les bureaux pour en créer de nouveaux, et que des tables bouchaient le passage aux employés. Sans oublier que l’Hôtel devenait chaque jour un peu plus difficile d’accès, à cause des rues étroites qui le bordaient et de l’activité incessante du quartier entier.

Cette description serait pourtant partiale si l’on omettait que l’Hôtel était un lieu où l’art était présent, rappelant son glorieux passé d’hôtel parisien, comme les boiseries de la salle du Conseil l’attestaient par exemple.


Comment la vie s’organisait-elle dans l’Hôtel ? C’est-à-dire : qui y travaillait, quelles étaient les différentes fonctions, comment s’établissaient-elles entre elles, quels bureaux se partageaient-elles ? Les employés étaient variés, et certains avaient des fonctions assez inattendues comme le médecin, l’apothicaire et l’horloger des Postes. Le recrutement met en lumière des faits très intéressants : le personnel était recruté en priorité par recommandation dans la famille d’un agent déjà employé, et le passage par le surnumérariat était presque systématique. Certains logeaient dans la partie de l’Hôtel réservée à l’habitation. Leurs conditions de vie étaient plus variées encore, et dépendaient de leur salaire, calculé avec rigueur à la fois sur le système du poste occupé et de l’ancienneté. De l’insalubrité de l’Hôtel et des conditions de vie difficiles, découle un merveilleux indicateur de la qualité de vie à l’Hôtel des Postes de Paris : la santé de ses employés, qu’il est possible d’étudier grâce aux chiffres de remboursement de médicaments à l’apothicaire des Postes présents dans les registres de délibérations du Conseil, et grâce aux demandes de congés de plus en plus sévèrement réglementés par le ministre des Finances qui tenait les Postes sous tutelle. L’uniforme du facteur et son évolution, ainsi que celle des véhicules de poste, faisaient partie du paysage de l’Hôtel et donc de sa vie.

Enfin, est-il possible de sonder l’opinion du parisien du début du XIXe siècle à propos de l’Hôtel des Postes qui lui rendait tant de services ? En effet, les menues améliorations qui se déroulèrent tout au long de la période, et qui amenèrent le changement fondamental de 1830, lorsque la Poste se fit rurale, qui n’est pas étudié dans ce mémoire, montrent que l’Hôtel des Postes, centre décisionnel, fut au cœur de l’évolution de l’institution postale.


Bien plus que cela, l’Hôtel des Postes fut au cœur de la plupart des événements qui bouleversèrent la vie du pays, tout particulièrement de 1801 à 1830. Ce fut à l’Hôtel des Postes que se forgèrent les textes qui régirent l’histoire de l’institution, comme les registres des délibérations du Conseil, dont la grande diversité permet d’approcher des sujets variés, et les Instructions Générales de 1808 à 1832, cette dernière n’étant que le résultat d’une lente évolution des années précédentes. Serments de fidélité, détails d’exploitation comme les déboursés, Cabinet Noir, balance économique des Postes, rien concernant l’institution et son hôtel ne fut immobile ou figé au cours de cette période pourtant décrite comme « pauvre en changements et difficilement étudiable » ; ce mémoire montre qu’il n’en est rien !Malgré une conversion à l’exploitation postale imparfaite, l’Hôtel des Postes, lieu de travail et de vie effervescente, lieu symbole trop souvent oublié de la communication égalitaire entre tous les hommes, fut celui de la naissance de la Poste moderne : un service public où le bien de celui-ci passe par l’exactitude de ses employés et le contentement du public, où recherche de la rapidité et de l’efficacité font de l’Hôtel des Postes, de ses hommes et de ses institutions, un creuset de constantes transformations.

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