Comité pour l'histoire de la Poste

La Poste aux Armées, de l’arrière au front, pendant la Grande Guerre

Autrice

LE BER Amandine

Diplôme

Maîtrise

Thématique de recherche

Pagination

139 pages

Direction de recherche

Annette BECKER

Université

Université Paris X

Année de publication

Résumé

La Poste aux Armées termine son engagement dans la guerre en effectuant, comme les autres corps militaires, sa démobilisation. Après l’armistice, les soldats furent démobilisés, et il en fut de même pour le personnel de la Poste et la Trésorerie aux Armées. Aussi, les secteurs postaux sont presque tous dissous entre novembre 1918 et juillet 1919. Les formations qu’ils desservent alors sont rattachées à la Poste civile. Chaque soldat démobilisé doit alors donner son adresse au vaguemestre pour permettre la réexpédition du courrier qui serait adressé au secteur postal après son départ.


Lorsqu’une lettre parvient au secteur postal pour un soldat démobilisé dont le vaguemestre ne connaît pas l’adresse du domicile, il indique alors la mention « démobilisé » et envoie la lettre au dépôt de l’unité à laquelle le soldat appartient après la démobilisation. La franchise postale militaire est supprimée à partir du 24 octobre 1919. Les premiers agents du service de la Trésorerie et Postes aux Armées à être démobilisé sont affectés aux services financiers et postaux civils que l’on met alors en place en Alsace.


Désormais, la Poste militaire ne sert plus que pour desservir les troupes françaises qui se trouvent hors de France. Le BCM est maintenu quelques temps pour l’acheminement des correspondances destinées à ces troupes ; il est finalement supprimé le 1er avril 1921 et ses attributions sont transférées au bureau de Sarrebruck pour les troupes d’occupation en Allemagne et au bureau principal de la rue du Louvre à Paris pour les troupes hors de France.


Au début de la guerre, le service de la Poste aux Armées, considéré comme un organisme secondaire et rattaché au service de la Trésorerie aux Armées pour des raisons d’économie, est considéré comme archaïque et inadapté à tous points de vue. Sa structure n’avait pas évolué depuis 1870 et, malgré les déficiences constatées, on s’attendait à un flux de lettres moins important et à une guerre plus courte. C’était sans compter les conséquences des lois Ferry qui avaient rendu l’enseignement primaire obligatoire et la mise en place d’un conflit long basé sur l’usure.


Dans la zone de l’intérieur comme dans la zone des dépôts, le service est vite dépassé et s’avère désastreux : le courrier s’entasse dans les dépôts et il faut d’urgence procéder à de vastes réformes. Devant la faillite du service postal aux Armées dénoncé par la presse et les parlementaires, un inspecteur général de la Poste militaire est nommé afin de réformer la Poste aux Armées, durant les mois de novembre et de décembre 1914.
Une série de profondes réformes, la création des sections militaires postales et des secteurs postaux, la suppression du rôle postal des dépôts, la division des bureaux de payeur en deux sections, l’une postale, l’autre financière, ainsi qu’une modernisation des moyens de transport permirent à la Poste aux Armées de mieux traiter et acheminer l’afflux de courrier qui lui incombait.

En allant au-delà de sa première mission, transmettre le courrier depuis l’arrière jusqu’au front et en se servant des rapports de commission de contrôle postal, la poste aux Armées devient un acteur essentiel de la résolution du conflit. Cette prise de conscience, que le moral des troupes est un atout évident face à l’ennemi pour la victoire, est parfaitement transformée en actes au sein de l’administration Trésor et Postes.
Il faut alors se pencher sur l’expérience de l’écriture comme acte de décloisonnement des fronts de cette guerre pour comprendre la valeur des millions de lettres échangées au cours de ce conflit. Elles permettent une mémoire de la guerre et de ses souffrances tout en banalisant une culture de guerre. A la fois vecteur et support de cette culture de guerre, la Poste aux Armées construit dans ses itinéraires postaux une autre manière de voir les frontières géographiques et psychologiques de la guerre : désormais, ces liens et ces parcours de correspondances se font la juste métaphore de ce qu’est une guerre moderne où l’éclatement des fronts est permanent. Enfin, les maillons multiples de cette chaîne postale rendent compte de l’effort consenti autour de cette transmission postale. La franchise postale bien sûr mais aussi un personnel et la modernisation des moyens de transport sont autant de preuves de la prise en charge par l’Etat des communications postales.


C’est pourquoi l’adhésion à cette administration est si révélatrice de la réintégration dans la nation pour les Alsaciens, exclus du territoire national mais aussi réintégration de tout le corps social uni dans la guerre avec cet exemple d’égalité devant la mobilisation, le droit à l’information et à la correspondance pour tous les foyers même modestes. Car c’est bien enfin une mobilisation nationale que la poste aux Armées propose et rend possible : mobilisation matérielle et mobilisation psychologique autour des enjeux de la guerre. Le service de la Poste aux Armées fonctionne alors correctement jusqu’à la fin de la guerre si bien que les réformes de novembre et de décembre 1914 restèrent en vigueur et la séparation de la Trésorerie et de la Poste aux Armées est définitivement confirmée par la loi du 21 janvier 1921.


Dès cette même année, la Poste aux Armées constitue un organisme autonome et le délai d’acheminement du courrier est réduit par l’emploi d’avions postaux ; la Poste aux Armées connaît sa dernière grande amélioration en mai-juin 1940 avec l’adoption du secteur postal à cinq chiffres qui constitue désormais l’adresse postale complète des militaires mobilisés.
Les innovations que connaît cette administration à l’épreuve de la Grande Guerre sont d’une grande importance pour le rôle de la poste aux Armées dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale. En effet, le personnel, s’il est vite mobilisé, est rapidement dépassé par l’ampleur de la masse de la correspondance à acheminer et l’occupation donne de nouveaux rôles à ces gens qui sont des preuves d’une volonté de garder une intégrité nationale dans un pays occupé. Ils sont aussi au cœur de la collaboration en raison de leurs missions postales et militaires.


En revanche, ces agents sont souvent des membres actifs de la résistance car leur mission est au centre des canaux d’informations et ils sont considérés comme l’œil et l’oreille de la résistance. Des agents juifs sont révoqués et déportés tandis que des francs-maçons sont écartés du service de l’État.

Enfin, si la Poste aux Armées pendant la Seconde Guerre mondiale joue un rôle déterminant dans les phénomènes de résistance et de collaboration, il est certain qu’elle s’affirme dans un contexte de guerre globale. Or, dans ce cas de la Grande Guerre, ces notions sont encore à l’état de processus, c’est pourquoi il est intéressant d’étudier son rôle dans la construction des fronts de la guerre et dans la construction d’une culture de guerre. En effet, si elle véhicule des écrits et des images significatifs de cette culture de guerre, c’est qu’elle a un rôle essentiel et même unique de communications entre les hommes et femmes séparés. Pour eux, la Poste incarne la vie d’avant et même la vie tout court. La lettre, signe de vie ou annonce de mort, devient un objet de mémoire, dont la publication est commémoration.


La Poste aux Armées est alors un révélateur d’attitudes face à l’ennemi, face à la violence et elle permet une mémoire du conflit, incarnant les souffrances et les angoisses de cette guerre.

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