Cette huitième livraison des Cahiers pour l’histoire de La Poste nous mène sur les bords de la Méditerranée. Après Paris, où l’on a profité d’une histoire sociale et technique de sa poste pneumatique et où l’on s’est plongé dans la vie de son hôtel des Postes, ancêtre de Paris RP rue du Louvre, dans la première moitié du XIXe siècle, place à Marseille ! Seconde ville de France, la cité phocéenne laisse découvrir la construction de son réseau PTT avant la Première Guerre mondiale. Même si elle reste relativement continue dans la plupart des travaux de recherche sur la Poste, cette période s’avère cependant être la plus riche, et la plus opportune, puisqu’elle voit la Poste se structurer massivement et élargir ses activités partout en France.
Dans ce contexte particulier, les PTT ne sont pas étudier seuls. Ils sont d’abord vus comme le cheval de Troie de l’Etat qui s’insère dans la ville via le réseau du télégraphe : la préfecture tient la seule voie de communication rapide avec Paris. Ensuite, les PTT font partie intégrante de la politique d’amélioration générale des conditions de vie dans la cité portuaire, politique passant aussi par les progrès sanitaires et une meilleure lutte contre les incendies : les Marseillais communiquent progressivement mieux par courrier, par télégramme, puis par téléphone… Enfin, l’univers des PTT vient se confronter avec celui des petits boutiquiers, des hôteliers, et plus généralement d’un monde bureaucratique alors en plein essor : chaque sphère possède ses spécificités certes, mais chacune d’elle concourt à construire le visage d’une capitale régionale qui se « tertiarise » progressivement.
Surtout, les PTT sont considérés comme le vecteur de l’essor économique de Marseille, facilitant les échanges intra urbains, métropolitains comme outre-mer. Au sein même de la ville, les PTT relient les pôles de l’activité économique phocéens que sont la Chambre de commerce, la Bourse et le port. Dans l’hexagone, les PTT mettent Marseille en relation avec Paris. Outre-mer, la Poste maritime maintient le contact avec les colonies dont on sait l’importance pour Marseille. Les relations politiques n’en sont pas moins effacées : la préfecture, la mairie, les arrondissements sont attentifs au positionnement des moyens de communications des PTT, de la boîte aux lettres à la cabine téléphonique. La population considère aussi à l’époque les PTT comme le trait d’union entre les quartiers marseillais, mais aussi comme « le renfort des nœuds de sociabilité », ainsi que le décrit parfaitement Mathieu Roux.
L’auteur, tout marseillais qu’il est, a su se replonger dans les racines de sa ville pour en faire ressurgir la structuration administrative, technique et matérielle d’un grand service public, dans un environnement urbain en continuelle évolution. Ce n’est pas le moindre des mérites de cette recherche en histoire que de nous faire redécouvrir les enjeux, les passions et les problématiques du développement des PTT, pris dans une globalité aujourd’hui caduque, dans la ville fourmillante qu’est déjà Marseille avant la Grande Guerre.
Sébastien RICHEZ