Cette 14e livraison des Cahiers pour l’histoire de La Poste marque comme un tournant, celui d’une mission qui touche à sa fin, celui d’un axe de publication qui aura vu la valorisation des meilleures monographies régionales réalisées par des étudiants en maitrise d’histoire, et sous l’égide du Comité pour l’histoire de la Poste. En trois volumes, auront été dévoilés par l’est D’une Révolution à l’autre. Maîtres de poste et réseau postal en Côte-d’Or 1789-1848,par le nord Être facteur dans le Nord (1830-1940), le centre Des P&T à la campagne. L’exemplarité de l’Auvergne avant 1914 et maintenant le sud-ouest, les principaux axes d’analyse des évolutions postales et de la structuration d’un grand service public au XIXe siècle, ce siècle de la modernité des réseaux.
Le travail de ce second binôme d’auteurs féminins de la collection des Cahiers, Clémence Raine et Audrey Rodriguez, qui nous livre cette ultime étape hexagonale du tour de France des monographies d’histoire postale, n’échappe pas aux règles du genre : plongée profonde dans la géographie autochtone, dans les enjeux politiques et économiques locaux d’une France qui sort lentement de son enclavement, prédisant cette fin de terroirs chère à Eugen Weber, pour s’ouvrir aux nouvelles ambitions d’un Etat nation providence. Et la Poste y contribue au premier chef. Avant le chemin de fer, c’est elle qui ouvre les grandes liaisons sur les routes majeures du pays par l’organisation de la Poste aux chevaux ; c’est elle qui ordonne la grande vitesse d’alors, par le galop ; c’est elle qui esquisse une première harmonisation du temps national par le passage et la circulation de plus en plus rythmée des malles-poste.
Si le titre de ce volume décline le mot « Postes » au pluriel, c’est bien parce que la fin du XVIIIe siècle et tout le XIXe siècle font, tout à tour, cohabiter des organisations postales -Poste aux chevaux en tant que support de la Poste aux lettres, et, Petite Poste complément de la Grande Poste- qui au final, contribuent toutes à une mission d’acheminement, de transport, de l’information et des personnes. Dans cette énumération, il s’agirait de complexifier le propos en n’omettant pas de découvrir l’organisation des messagers-piétons que l’on doit au Directoire, sorte de préfiguration d’une Poste sans le titre, avec des facteurs sans le nom, distribuant le courrier aux échelons du pouvoir, depuis le préfet jusqu’aux maires et relais locaux de l’administration.
Un numéro certes dédié au territoire du Bordelais, jusqu’à nous faire découvrir également l’emprise de l’initiative privée, l’intervention non administrative dans l’exécution du service. La mise en lumière du rôle décisif de la dynastie des Dotézac, aussi bien maîtres de poste, disséminés en plusieurs places, que co-entrepreneurs du chemin de fer aquitain aux côtés des Pereire –et à ce titre intervenants dans le transport postal une nouvelle fois- est une richesse supplémentaire de ce travail par rapport aux autres monographies. Des Dotézac qui auraient très bien pu posséder les arguments pour être les philanthropes, à l’instar de Piarron de Chamousset à Paris, d’une Petite Poste bordelaise qui seule, leur a échappé au final !
C’est donc un balancement subtil entre local, sans dérive endogène, et national, puis que l’organisation postale du XIXe siècle est de toute façon quasi centrée autour du cœur que représente l’hôtel des Postes de Paris, suivant une tradition jacobine qui ne manque pas de sel dans ce contexte…girondin !
Sébastien RICHEZ
