Fidèles à leur rôle initial, et désormais placés sur de bons rails, les Cahiers pour l’histoire de La Poste poursuivent la présentation de thèmes originaux touchant à l’histoire de la Poste. Voici dans le cadre de ce n°4, l’étude de Christophe Tretsch dédiée à la vie à l’hôtel des Postes de Paris de 1801 à 1830. Avertissons d’emblée les connaisseurs avertis de la géographie parisienne : l’hôtel des Postes dont il est question n’est pas l’actuelle recette principale installée entre les rues, du Louvre, Jean-Jacques Rousseau et Etienne Marcel. Il s’agit de son ancêtre jadis siégeant dans le même triangle, en l’occurrence l’Hôtel d’Epernon ou d’Armenonville, plusieurs fois agrandi grâce à des extensions spatiales contiguës, et qui a fonctionné durant plus de 120 ans, de 1757 au début des années 1880.
Ainsi défini dans cette configuration, l’hôtel des Postes de Paris nous fait découvrir par ses entrailles, la période qui précède le demi-siècle de l’âge d’or des Postes en France entre 1830 et 1880 durant laquelle l’administration en ébullition connaît ses plus importantes transformations. Cependant, ce premier tiers du XIXe siècle n’en est pas moins intéressant dans le sens où il englobe l’Empire et la Restauration dont la succession est plus porteur de continuités que de ruptures pour la Poste : le trafic continue de croître, certes proportionnellement plus vite que les effectifs de postiers ; les relations entre Paris et la province sont renforcées ; les tarifs sont ajustés… Et même si la Poste à Paris, dans ses propres murs, n’est pas encore tout à fait confrontée « à la marée qui menace de submerger le service » [Annuaire des Postes, 1867] prédite en 1866 par le directeur général des Postes, Edouard Vandal, elle nous apparaît tout de même déjà très fourmillante.
En effet, Christophe Tretsch nous donne à voir une double représentation du lieu : une vision anxiogène de l’Hôtel, à l’intérieur duquel les postiers sont exposés aux dangers, notamment au feu ravageur, et au cloisonnement malsain d’un travail routinier ; mais aussi une vision vivante de l’activité quotidienne, frénétique et trépidante. L’hôtel des Postes de Paris incarne véritablement la manifestation architecturale de la puissance de l’activité postale, même encore toute relative par rapport à la formidable croissance connue sous le Second Empire.
Pilier d’un système des Postes ultra centralisé en France, l’hôtel de la capitale, à l’image de ses homologues européennes comme Londres ou Berlin, surpassent toutes les normes d’un bureau de poste traditionnel par le gigantisme de son personnel rattaché, par la régulière effervescence de l’arrivée et des départs des courriers et des facteurs, par la fréquentation du public. L’hôtel des Postes matérialise l’assise de cette administration dans la ville, il témoigne d’autant plus de son rôle de lien social.
A son sujet, il ne semble pas décalé de détourner la formule de « palais scolaire », employée par Yves Lequin [« La société », Histoire des Français aux XIXe – XXe siècles, Paris, Colin, 1984, p. 99] pour désigner la cohabitation du logement de l’instituteur et de la classe dans un bâtiment identique, pour créer la notion élargie d’un véritable « palais postal ». Pas dans le sens d’une cohabitation effective du logement du directeur général des Postes ou du directeur de l’hôtel des Postes, mais plutôt dans une cohabitation assez incroyable entre toutes les parties des Postes, qu’elles soient attachées à la direction proprement dite, à l’exploitation générale ou au service particulier. Un système d’organisation passé, témoignant de la volonté de montrer la puissance d’une administration, qui trouve une forme d’écho aujourd’hui à une époque fortement attachée à promouvoir l’image de marque pour montrer la riche diversité d’une entreprise. En effet, dans le quartier Montparnasse – Vaugirard, Le Groupe La Poste ne fait-il pas voisiner son Siège social regroupant ses principales directions exécutives, avec un bureau de poste dernier cri mettant en valeur les prestations au public, ainsi qu’avec sa vitrine patrimoniale et culturelle qu’est le musée de La Poste ?
A l’heure où de prochains travaux de modernisation de la recette principale du Louvre sont envisagés pour redonner de l’éclat à ce centre historique de l’activité postale en France, à l’heure où La Poste se lance dans une grande réflexion sur la conception de ses bureaux, les Cahiers pour l’histoire, grâce à la plume vivante de Christophe Tretsch, vous proposent donc un regard différent, historique et parfois moderne, sur le cœur du service postal parisien et français.
Sébastien RICHEZ