Le numéro 10 des Cahiers pour l’histoire de La Poste poursuit l’élan engagé en 2008, qui confère à cette année un profil très social par les thématiques abordées. Après Frédéric Pacoud et la naissance du syndicalisme postal, place à Nathalie Grégoire et aux origines du mouvement mutualiste à la Poste. On décèle volontiers dans cet enchaînement une logique qui nous amènerait à évoquer, dans un n°11 de la série, les prestations sociales ou bien la médecine du travail. Il n’en sera rien, le Comité pour l’histoire de La Poste manquant encore cruellement de matières scientifiques sur ces questions pourtant cruciales dans la définition de la famille des PTT. Si l’histoire sociale de la Poste recèle de nombreux sujets prometteurs (logement, médecine du travail, associations) reposant sur une richesse archivistique avérée, les vocations tardent cependant à naître.
La question de la mutualité émerge spécifiquement dans cette aire sociale. Déjà en 1995, l’ouvrage de Gilles Heuré sur l’histoire de la Mutuelle Générale des PTT, avait su employer des sources peu diversifiées, essentiellement les publications des premières associations mutualistes avant la grande réunification de 1945, pour traiter des origines du mouvement. A ce propos, ce sont les postiers, désireux de rassembler les corps de métiers, qui sont à l’initiative de l’éclosion puis du foisonnement des sociétés postales de mutualité. La première date de 1842. L’Amicale est fondée en 1879, le Soutien Fraternel en 1882, Union et Fraternité en 1902. C’est autour de missions quotidiennes telles que l’aide aux veuves et orphelins, l’apport de soins médicaux et pharmaceutiques aux sociétaires malades, le pourvoi aux funérailles…, que ces sociétés postales de mutualité s’organisent et se développent, tissant des réseaux, bâtissant des sections et cherchant toujours à recruter. Pour favoriser ce rassemblement et convaincre de la nécessité d’un idéal, elles organisèrent une propagande mutualiste, dont les militants furent les fers de lance. Cependant, bien qu’animées par cette énergie militante mutualiste et une fervente volonté de remédier aux maux quotidiens, les mutuelles postales eurent fort à faire pour asseoir leur identité, leur action oscillant souvent entre leur seule vocation mutualiste et des domaines qui étaient plutôt de la vocation des syndicats.
Première manifestation d’une union, la Fédération des sociétés postales de mutualité, créée en 1923 pour tenter de rassembler les efforts des mutuelles contre la tuberculose, s’attache à déployer ses actions vers trois directions : prévenir la maladie par une information accrue, organiser des dépistages en développant les dispensaires et multiplier les sanatoriums, qui apparaissent comme un exemple de réduction des inégalités sociales. Vingt ans plus tard, la Mutuelle Générale des PTT est officiellement créée le 12 juillet 1945. Elle regroupe alors sept sociétés de mutuelle postale : l’Association amicale des PTT, L’Assistance Mutuelle du Personnel Ambulant des Postes, l’Orphelinat National des PTT, le Soutien Fraternel des PTT, la Tutélaire des PTT, l’Union Fraternelle des facteurs et employés des PTT, et, Union et Fraternité. Dès sa fondation, la MGPTT doit s’adapter à l’organisation complexe de la Sécurité sociale dont elle devient complémentaire et partenaire.
Ce qui ne l’empêche pas de connaître un succès constant auprès des postiers et télécommunicants, qui sont longtemps, avec leur seule famille, les vecteurs de la croissance du corps des mutualistes : de 152 000 adhérents en 1952, la MG PTT passe à 550 000 personnes en 1980, alors que la nouvelle structure, La Mutuelle Générale, compte de nos jours 900 000 adhérents, désormais non plus uniquement salariés de La Poste ou France Télécom … Seconde mutuelle de France, elle semble totalement rompre avec les fondements de son histoire, mais n’en demeure pas moins l’héritière de tout un courant mutualiste postier qui s’est développé à la charnière des XIXe et XXe siècles.