Comité pour l'histoire de la Poste

Première journée d’étude du CHP

Date

10 février 1998
Image journée d'étude 3

Le 10 février 1998 se tenait à l’École normale Supérieure la première journée d’études organisée par l’Institut d’histoire Moderne et Contemporaine du CNRS et le Comité pour l’Histoire de La Poste sous la responsabilité de Muriel Le Roux (IHMC / CNRS) et Benoit Oger (CHP), avec le soutien de Daniel Roche (directeur de l’IHMC) et Pascal Griset (Bordeaux III).

Le Président d’honneur de La Poste, André Darrigrand, a rappelé la nécessité pour une entreprise de 350 000 postiers de connaître son histoire à l’aube d’un nouveau contexte concurrentiel et D. Barjot (Paris IV) a souligné l’apport important de l’histoire de la Poste à celle de l’administration, des entreprises ; elle permettra de compléter les analyses de l’histoire économique et sociale.


Tenter d’initier des recherches à partir de sources a priori sans point commun avec l’histoire de la poste est la première gageure à laquelle les historiens ont tenté de répondre. Jacques Bottin (IHMC) évoqué le négoce et la circulation de l’information démontrant au travers des cas allemand, italien et espagnol, le rôle des entreprises postales et du courrier comme éléments d’information dans l’économie marchande. Jean-Marc Roy (Ecomusée de La Courneuve) a souligné le rôle des hôtels de poste dans le système d’hébergement parisien, qui servaient aussi de relais à l’approvisionnement en vivres de Paris. Michèle Merger (IHMC) a constaté au travers des archives italiennes des chemins de fer que le Royaume de Sardaigne et des investisseurs étrangers avaient œuvré afin que la malle des Indes passe par la péninsule italienne : l’enjeu, plus politique que commercial, était d’obtenir la concession des chemins de fer le long de la côte adriatique.


Patrick Marchand (Paris I / Musée de La Poste) en étudiant les maîtres de poste, renouvelle les problématiques grâce à une analyse sur les archives de dynasties, souligne le rôle de la poste comme transporteur, la politique de l’Etat en matière de transport public.


Odile Join-Lambert (EHESS) étudie le corps des receveurs dans les années 1950. Partie intégrante des fonctionnaires, il s’inscrit dans une conception traditionnelle du secteur public ; ce corps a la particularité de se constituer en fonction de l’organisation interne de l’administration des Postes sans référence à l’usager. Mais l’histoire des receveurs montre, par la préservation de la diversité des carrières et des pratiques de gestion des bureaux de poste, un personnel conscient des mutations de la société française au cours des Trente Glorieuses. En étudiant les facteurs urbains entre 1946 et 1990, Marie Cartier (ENS) montre la complexité d’un métier. Gardien de l’espace local, le facteur est aussi le représentant de l’Etat, fonctionnaire d’un service public marchand, dont l’activité se situe du côté non marchand. L’histoire des facteurs serait onc aussi celle des métiers de service, la chronologie cristallisant les évolutions du monde urbain dont le facteur serait le reflet.


Benoit Oger (Paris VII / CHP) retrace l’histoire de la Caisse nationale d’Epargne, créée en 1881 afin de soutenir la rente, de développer la prévoyance. Jumelée au réseau des Postes, elle permit un accès démocratique à l’épargne. Volonté d’éducation certaine, portée politique déterminante : grâce à la CNE, la République trouvait une autre façon de s’installer dans les campagnes relançant le débat sur la nécessité de l’intervention de l’Etat dans la vie publique et économique, les Postes et CNE n’étant pas des administrations « ordinaires ».

Après l’audit sur l’Etat des archives effectué depuis 1996 sous l’égide du CHP, le responsable du Service national des archives de La Poste, Anne Burnel, doit relever le défi de maîtriser les archives de l’entreprise et de répondre à la double demande de l’entreprise et des chercheurs. Encore freinée par une partie de la direction générale de l’entreprise, la volonté de maîtriser les archives et de les ouvrir plus facilement existe.


Pascal Roman présentant le Musée de La Poste, avant tout gardien de la mémoire en préservant des collections pour le compte de l’Etat, rappelle la richesse des collections (cartes anciennes, timbres, ouvrages rares). Patrice Carré (France Télécom), en évoquant l’expérience des télécommunications en matière d’histoire rappelait combien cette discipline pouvait être enrichissante pour l’entreprise. Faisant l’impasse sur 100 ans d’histoire commune entre la Poste et les télécommunications, il n’a évoqué que les relations tendues entre les ingénieurs monopolisant le progrès technique et une direction assurée par les postiers. Muriel Le Roux (IHMC), présentant le guide du chercheur en histoire contemporaine (réalisé en collaboration avec Benoit Oger) fait le point sur la définition de l’objet d’étude. La Poste, ni tout à fait une administration, ni tout à fait une entreprise, a sans doute été délaissée par l’histoire scientifique pour cette raison. Les problématiques à mettre en œuvre se trouvent à la croisée de celles développées par les historiens de l’administration et celles des historiens de l’entreprise.


La veille, un séminaire rassemblait les étudiants travaillant sous l’égide du CHP. Yves-Marie Bercé (Ecole nationale des Chartes) a déploré le faible nombre de mémoires de maîtrise et de DEA en histoire moderne, et a rappelé l’intérêt des travaux entrepris sur le rôle politique des maîtres de poste des provinces du Nord. Yves Lequin (Lyon II) se réjouissant de la qualité des travaux menés en histoire contemporaine, a évoqué la nécessité de soutenir les monographies régionales qui devront être rassemblées au sein d’une étude globale, tandis que l’histoire des métiers complétera des travaux en cours. Il a rappelé combien cette histoire de la Poste était partie intégrante de l’histoire de France et des Français, au même titre que celle des instituteurs.

Daniel Roche (Paris I / IHMC) conclut cette journée en posant en principe la déontologie et l’éthique propres au métier d’historien. Il a invité les postiers présents à leur faire confiance. Puisque le CHP existe, on doit faciliter l’accès aux sources. Il a défendu l’histoire professionnelle en soutenant le renouvellement des questionnements et des problématiques. Il faudrait entreprendre une histoire prosopographique et constituer des archives orales pour la deuxième partie du XXe siècle. Cette histoire devrait contribuer à remettre en cause la censure entre histoire moderne et contemporaine. Le mot de la fin du Président de La Poste, Claude Bourmaud, laisse espérer que Daniel Roche a été entendu.


Les actes de cette journée d’étude ont publiés sous la direction de Muriel Le Roux, De l’administration à l’entreprise. Histoire de la Poste, Editions de la rue d’Ulm, 2002, 184 p.