Du 22 au 24 octobre 2003, l’équipe d’accueil « Histoire Culturelle : représentations et modes de contact » de l’Université de Reims / Champagne-Ardenne organisait un colloque intitulé « Informer, créer, gouverner. De quelques usages de la correspondance à travers les âges ».
Sébastien Richez y représentait le Comité pour l’histoire de La Poste pour présenter une communication intitulée :
« Un intermédiaire matériel à la correspondance : les Français et la boîte aux lettres, XVIIe-XIXe siècles ».
Résumé
Plus discrète que la cabine téléphonique, mois visible que le rail, la boîte aux lettres n’en tient pas moins une place prépondérante parmi les supports matériels à nos échanges et à nos communications. Sa petite taille dissimule néanmoins une histoire pluri-centenaire, scindée en trois moments révélateurs des changements de la société française.
A l’origine, il existe une boîte aux lettres insérée dans le mur de chaque bureau de poste ; la première boîte apparaît donc en 1576 avec l’ouverture du premier bureau de poste à Paris. Il a moins de 800 bureaux en 1704, et autant de boîtes à lettres. Elles servent à recueillir le courrier dont les plus aisés ont les moyens de payer l’expédition extra-urbaine. Une première innovation intervient avec le souci naissant de traiter le courrier adressé intra-muros. Dès lors apparaît, en 1653 à Paris, « la Petite Poste », du nom pris par la boîte dispersée dans les rues de Paris en opposition à la grande poste, c’est-à-dire à la boîte du grand bureau de poste ; elle sert alors à collecter le courrier de et pour la ville. Ayant vite périclité, ce système est repris et fortifié à Paris en 1753, puis appliqué dans les principales villes du royaume. Quel que soit son format, la boîte aux lettres est d’abord un ustensile offert à quelques urbains privilégiés.
La fin du premier tiers du XIXe siècle est marquée par une révolution radicale. D’usage urbain, la boîte aux lettres se démocratise et investit chaque commune de France, dans les bagages du service rural ; plus de 35 000 boîtes sont installées dans les villages dans le courant de 1830. Par ce vaste effort de l’administration postale, désormais chaque Français, où qu’il se trouve, peut accéder à l’intermédiaire matériel de la correspondance écrite. C’est le temps d’une nouvelle sociabilité naissante autour de la boîte aux lettres, ramification extrême de la présence de l’Etat sur le plan local, et de la longue domestication d’un objet symbolique, dont l’emploi n’est pas toujours maîtrisé par tous.
La fin du XIXe siècle rend comme acquis son entière adoption par les Français. Véritable objet à la mode, la boîte aux lettres se diversifie dans ses formats, ses couleurs et ses implantations ; elle équipe les moyens de transport (trains, transporteurs routiers), envahie les endroits fréquentés (gares, hôtels, commerces). Les Postes connaissant alors des restrictions budgétaires, cet essor est principalement le fait des particuliers qui « louent » l’implantation et le fonctionnement de boîtes à l’administration. C’est l’âge d’or de la boîte aux lettres, qui s’interrompt avec la Première Guerre mondiale.